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San Francisco et le risque sismique

Publié le par Amy B Dlm

Voici un article un peu plus « scientifique » sur la ville de San Francisco que j’ai arpenté pendant près de trois mois à la recherche de faits, d’indices, de récits, afin de comprendre la relation de la ville aux séismes et au risque sismique en général. San Francisco fut, je pense, le plus beau terrain possible pour la géographe du risque que je suis, en quête de sujet palpitant pour son mémoire de fin d’année. Et donc après plusieurs mois, un beau bébé est né, sur la vulnérabilité du secteur touristique de San Francisco face à un séisme de grande ampleur.

Loin de là l’idée de faire ici le résumé de mon mémoire, seulement vous parler de San Francisco en adoptant une perspective différente, celle d’une ville très exposée à un aléa sismique fort et potentiellement très dangereux.

La mémoire du risque à San Francisco : une personne commémore à sa manière l'anniversaire du séisme de 1906 en écrivant sur le sol les faits les plus marquants à son sujet

La mémoire du risque à San Francisco : une personne commémore à sa manière l'anniversaire du séisme de 1906 en écrivant sur le sol les faits les plus marquants à son sujet

Entre San Francisco et le risque sismique, c’est plus qu’une cohabitation... c’est presque un mariage ! Pour preuve, il suffit d’observer le drapeau de la ville pour comprendre à quel point la ville est liée à ses remous géologiques. On y voit un phénix renaissant de ses cendres ; celui-ci symbolise la résilience de San Francisco qui su se remettre rapidement de la catastrophe de 1906, lorsqu’un séisme de magnitude 7.8 provoqua le rasage complet de la ville. Alors en plein développement à cette époque, il n’était pas question pour San Francisco, déjà l’une des métropoles du nouveau monde, de perdre son rang. On dit même que la planification de la reconstruction démarra le jour même de la catastrophe. La reconstruction complète pris neuf ans au total, car il fallait absolument que celle-ci soit achevée avant l’exposition internationale Panama-Pacific prévue à San Francisco en 1915. Deux évènements furent donc célébrés lors de cette exposition : l’achèvement du canal de Panama et l’aboutissement de la reconstruction de la ville.

 

Reconstruire vite, oui mais reconstruire bien ?

A cette époque l’idée était surtout d’éviter la propagation des incendies entre les immeubles suite à un séisme, ce qui devint la phobie de la ville après la catastrophe de 1906. Dans le centre-ville, on limita donc les immeubles en bois, bien que ce matériau-là fit ses preuves contre les séismes, en se déformant pour absorber les chocs. Malheureusement, tous les immeubles du centre-ville ne furent pas conçus pour résister à de violentes secousses, tout dépendait des moyens de l’investisseur ! Aujourd’hui encore, on trouve beaucoup de bâtiments « URM » (Unreinforced Masonry – maçonnerie non renforcée) qui posent problème puisque ceux-ci seront les premiers à tomber lors du prochain gros séisme.

Un exemple de bâtiment dit URM. Celui-ci a souffert suite au séisme de Napa le 24 août 2014, magnitude 6 - Source : The Wall Street Journal, http://www.wsj.com/articles/6-0-earthquake-shakes-northern-california-1408882575

Un exemple de bâtiment dit URM. Celui-ci a souffert suite au séisme de Napa le 24 août 2014, magnitude 6 - Source : The Wall Street Journal, http://www.wsj.com/articles/6-0-earthquake-shakes-northern-california-1408882575

Autour du centre-ville, dans les suburbs, la plupart des habitations sont tout de même en bois, ce qui permit heureusement de conserver le charme de la ville, et la résistance des bâtiments... Cependant là aussi, un problème subsiste : les bâtiments « soft-story » que l’on peut traduire par « étage transparent »... Derrière ce terme compliqué se cache une réalité assez simple : ces bâtiments-là (généralement peu élevés) n’ont pas de rez-de-chaussée, celui-ci étant le plus souvent utilisé comme garage pour l’habitation ou l’immeuble, et les murs porteurs correspondent donc uniquement aux murs extérieurs. Pas top donc... En d’autres termes, durant un gros séisme, on obtient ce genre de résultats :

Exemple de "soft-story building", quartier de Marina. La photo a été prise suite au séisme de 1969, M6.9 - Source : USGS

Exemple de "soft-story building", quartier de Marina. La photo a été prise suite au séisme de 1969, M6.9 - Source : USGS

La région de San Francisco a été mise à rude épreuve en 1989 lorsqu’un séisme de magnitude 6.9 se produisit dans le comté de Santa Cruz. Avec 62 morts et près de six milliards de dollars de dégâts, ce séisme rentre dans le classement des plus catastrophiques, et fut même considéré comme l’un des plus couteux de l’histoire. Face à ses redoutables secousses, les bâtiments du centre-ville de San Francisco tiennent le choc, mais le pont reliant San Francisco à Oakland s’effondre, ce qui couta la vie à de nombreuses personnes.

Un autre problème émergea à la surface (c’est le cas de le dire) lors du séisme de 1989 : la liquéfaction des sols. Encore un terme un peu barbare certes, bien qu’il s’agisse d’un phénomène récurrent lors de violents séismes. Celui-ci se produit lorsqu’une nappe d’eau peu profonde se situe au-dessous d’un sol peu consolidé : les secousses provoquent la remontée de la nappe d’eau à la surface et une déstructuration complète du sol. Ceci vient donc avec son lot de dégâts : craquelures le long des routes, ruptures de canalisations, parfois l’effondrement des soft-stories... Le quartier de Marina en a fait les frais en 1989, car celui-ci a été construit sur des remblais artificiels, un terreau fertile pour la liquéfaction ! Cependant, le quartier de Marina n’est pas le seul à avoir été construit sur des remblais, c’est également le cas d’une partie du Financial District ! Voilà qui est peu rassurant lorsqu’on sait ce à quoi la ville (et la région) doit se préparer. La baie de San Francisco a bien résisté au choc de 1989, mais résistera-t-elle au fameux prochain Big One ? Rien n’est moins sûr finalement...

 

Se préparer à affronter le prochain Big One...

Quand bien même, San Francisco ne reste pas passive face au risque. Consciencieusement, elle se prépare, doucement mais surement. Une cellule de réflexion sur la gestion du risque sismique s’est constituée à l’échelle de la ville : le CAPSS (Community Action Plan for Seismic Safety), regroupant des scientifiques, des décideurs politiques, des responsables des différents services de la ville etc. Un plan sur 30 ans a été conçu (2012-2042) et qui passe en revue, étape par étape, ce qui soit être fait pour que la ville soit finalement prête à affronter le séisme du siècle. Ce plan comprend le renforcement des bâtiments les plus vulnérables, assurer la fonctionnalité des bâtiments dits critiques : écoles, hôpitaux etc., assurer la fonctionnalité des réseaux de services publics (énergie, eau, transports etc), l’éducation des populations au risque, la planification de la gestion de crise etc. Le risque est globalement connu de tous, rarement ignoré des San Franciscains qui prennent ce problème à cœur contrairement à d’autres régions du monde. « La question n’est pas de savoir quoi, mais quand » : cette phrase est sur toute les lèvres, elle est devenue la devise des San Franciscains qui se préparent mentalement à vivre cet évènement majeur. Et malgré cette épée de Damoclès qui plane au-dessus de leurs têtes, les San Franciscains restent optimistes, car la ville a déjà survécu aux derniers séismes catastrophiques, et ils ne doutent pas qu’elle survivra au prochain. La ville n’est-elle pas surnommée The City that knows how ?

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L
lol oui.
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A
hey ! Et du coup le gros séisme qu'ils attendent ça serait un combien ? Vu leur situation géographique, le plan d'évacuation doit être un vrai casse tête non ?
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