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Le point de rupture en voyage

Publié le par Amy B Dlm

Le point de rupture en voyage

C’est arrivé un peu sans crier gare, lors d’un jour qui s’annonçait pourtant parfait, que j’ai fait cette drôle d’expérience. Ce jour étrange où tout change, et où l’on se rend compte que le voyage prendra désormais une autre signification. Où l’on comprend que ce n’est plus possible, que l’on doit laisser pour de bon derrière soi le voyage en mode « checklist », tout simplement parce que cela ne correspond plus à nos attentes.

Laissez-moi vous raconter comment ça s’est passé pour moi…

 

Nous venions tout juste de quitter Christchurch et roulions vers le Sud. C’était au tout début de notre road-trip, l’impatience et la bonne humeur étaient palpables. Notre prochain arrêt : les Moeraki Boulders, cette plage avec ces énigmatiques roches sphériques, au sud d’Oamaru. Le programme était prometteur et j’attendais de découvrir avec impatience ces merveilles de la nature, d’autant que les curiosités géologiques m’ont toujours particulièrement attirées. Les amis avec qui nous étions nous en avaient parlé car ils y avaient déjà été, revenants avec des photos à couper le souffle. J’étais loin de me douter à quel point j’allais être déçue…

Une fois arrivée sur place, le parking était rempli, difficile de se faire une place au soleil… De plus, il y avait un nombre inquiétant de cars touristiques garés ça et là, libérant leurs flots de visiteurs vers la plage. Nous entamâmes donc la marche de dix minutes pour nous rendre sur le site. A nos côtés, des dizaines d’autres personnes, marchant avec le même objectif que nous. Et ce fut bien tel que je le craignais déjà, en arrivant sur le parking. Les gens étaient partout, dans tous les recoins, limite à faire la queue pour prendre leur photo avec les Moeraki boulders…

Touristes qui attendent le bon moment pour prendre leur photo aux Moeraki Boulders...

Touristes qui attendent le bon moment pour prendre leur photo aux Moeraki Boulders...

Je prenais donc conscience du caractère un peu pathétique de la situation. J’avais déjà visité des lieux très touristiques, et bien que la foule aseptise toujours un peu le plaisir de les découvrir, je trouvais quand même que ça valait le coup. Jusqu’à ce jour…

Je n’ai donc pris aucun plaisir à visiter ce lieu pourtant magique, qui en d’autres circonstances m’aurait comblée. Je n’ai presque pris aucune photo, quand bien même j’adore cela. J’avais juste envie de prendre la fuite, de quitter les lieux au plus vite.

Pourtant j’étais comme tout ces gens, une simple touriste, et j’étais venue pour les mêmes raisons. C’est vrai que le moment de l’année et l’heure étaient très mal choisis si l’on souhaitait profiter de l’endroit au calme (début du mois de janvier, 14h de l’après-midi…). Je n’avais aucune raison d’en vouloir à ces autres visiteurs, pour la plupart des Asiatiques, qui avaient très certainement un emploi du temps à respecter lors de leur voyage en Nouvelle-Zélande. C’était comme ça, un point c’est tout. Mais ce jour là, je l’avoue, ça m’a exaspéré.

Oui cette situation était pathétique, mais j’en faisais partie, au même titre que les autres. Je n’avais aucune légitimité à espérer que ce lieu soit vide rien que pour moi. Ce n’était pas ma propriété privée. A quoi m'attendais-je, après tout, à partir à la découverte d’un lieu populaire en plein milieu de la saison touristique ?

Ce jour là, je décidai d’enterrer ma naïveté pour de bon. Non, le monde n’est pas une succession de cartes postales, et les lieux touristiques sont, pour la plupart, loin de ressembler aux photos de rêves que l’on nous vend. Voyager, ce ne doit pas être une succession de croix à cocher sur une liste, autrement on risque d’être toujours un peu déçu. Bien sûr, il y aura toujours des endroits que l’on rêve de voir depuis des années, parce qu’untel nous a parlé, parce qu’on l’a vu en photo, et ce serait dommage de passer à côté si on en a l’occasion. Les pyramides d’Egypte ou le Taj Mahal par exemple, sont des lieux grandioses, mais ils se méritent. Et il faudra faire quelques compromis une fois sur place lorsque des centaines d’autres personnes afflueront en même temps que nous. Pourtant, je continue de penser que ces visites valent le coup, si bien sur, on désire réellement y aller et qu’on est capable de faire abstraction des autres personnes. Mais à partir de maintenant, visiter ces endroits n’est plus le but ultime pour ma part.

 

Great Walks, Great Crowd, Great Price

La Nouvelle-Zélande devient de plus en plus populaire, et comme chaque pays touristique, de nouveaux lieux « incontournables » apparaissent, où davantage de touristes se concentrent.

Parmi ces incontournables, il y a les Great Walks. Pour ceux qui ne connaissent pas, les Great Walks, ce sont neuf randonnées de plusieurs jours, particulièrement populaires pour l’exceptionnelle beauté de leurs paysages. Faire les Great Walks en Nouvelle-Zélande, cela devient un peu une sorte de marathon parmi les backpackers qui ont soif d’aventure et de paysages grandioses. Ca à l’air génial. Oui, mais…

Qui dit popularité dit foule. Enfin, ce n’est pas la foule d’un festival bien sûr, mais sur une Great Walk, il faut parfois s’attendre à faire la queue-leu-leu sur certains passages, attendre son tour pour prendre sa photo. Il suffit de voir le nombre de personnes au départ du Tongariro Crossing pour le comprendre.

La réalité du Tongariro Crossing... Source : Trip Advisor

La réalité du Tongariro Crossing... Source : Trip Advisor

De plus, en raison de leur popularité, le prix de la nuit en hut (refuge) sur les Great Walks augmente de manière dramatique en pleine saison touristique. Pour vous donner une idée, une nuit en hut sur la célèbre Milford Track (reconnue comme étant l’une des plus belles rando du monde) au mois de janvier, c’est plus de 50$ la nuit (multiplié par le nombre de nuits sur la rando, ça coute vite un œil !). Alors qu’une hut « normale » ne coutera jamais plus de 15$ la nuit…

Mais le pire n’est pas là… il existe une liste d’attente de plusieurs mois pour les réserver ! Oui, de plusieurs mois ! Et sans réservation, n’espérez surtout pas pouvoir vous pointer à l’arrache la bouche en cœur pour faire la Milford Track. En été, ces réservations sont scrupuleusement contrôlées par les gardiens, et le bivouac sauvage sévèrement sanctionné. Vous êtes venu profiter de la nature sauvage vous avez dit ? Vous pouvez repasser !

Je ne nie pas l’intérêt et la beauté de ces randonnées, mais les faire dans ces conditions, pour moi c’est passer  à côté des avantages et des plaisirs qu’offre justement la randonnée. Etre au calme et se perdre dans la nature, utiliser la force de ses mollets plutôt que de payer un transport jusqu’à tel point de vue… Pour moi la randonnée doit aussi rester un plaisir peu onéreux. Alors devoir réserver ma rando des mois en avance et payer un prix exorbitant pour me retrouver au milieu de centaines d’autres personnes, non merci !

Alors j’avoue, j’ai quand même fait le Tongariro Alpine Crossing, qui traverse en partie la Great Walk associée, et j’ai vraiment adoré. Mais dommage, c’est loin d’être paisible, car ça grouille de monde toute la journée. Enfin, cela rejoint ce que je disais plus haut, parfois il faut apprendre à faire des compromis lorsqu’on pense que ça vaut le coup.

 

Partir à la découverte de lieux inconnus… et se découvrir soi même

Cherchant à rester à l’écart de ces endroits un peu trop victimes de leur succès, j’ai découvert d’autres lieux magiques. J’ai fais d’autres randonnées, moins courues, mais toutes aussi magnifiques. Voici la preuve en image :

Chemin menant à Brewster Hut, dans l'Aspiring Ntl Park

Chemin menant à Brewster Hut, dans l'Aspiring Ntl Park

Du haut de Fantham's Peak, sur les flancs du Taranaki

Du haut de Fantham's Peak, sur les flancs du Taranaki

Panorama de la région de Nelson Lakes

Panorama de la région de Nelson Lakes

Ces randonnées là ne sont pas des Great Walks, mais pourraient l’être au même titre que les autres. La différence c’est qu’elles sont encore relativement préservées des foules. Et je suis loin d’avoir tout vu ! Il existe des centaines de randonnées magnifiques en Nouvelle-Zélande. Si j’avais davantage de temps libre, je sais où je foncerais. Mais le temps est compté et comme toujours dans la vie, il faut faire des choix. Ce qui me console, c’est qu’on n’a pas forcément besoin de partir très loin pour trouver un petit coin de paradis, à l’écart des autres touristes.

Cet endroit se trouve à 30 minutes du centre de Wellington, et non, vous ne le trouverez pas dans le Lonely Planet

Cet endroit se trouve à 30 minutes du centre de Wellington, et non, vous ne le trouverez pas dans le Lonely Planet

Autre exemple :

Une plage insolite, au beau milieu d’une presqu’ile

Une plage insolite, au beau milieu d’une presqu’ile

Ce spot se trouve dans les Marlborough Sounds, et il n’est indiqué nul part. Pas dans les guides, pas sur la carte, pas sur la route. Et pourtant il existe un petit espace où garer sa voiture, puis un petit escalier pour descendre sur cette plage magnifique et abandonnée. Il faut connaître cet endroit pour le trouver, ou avoir suffisamment de curiosité pour descendre de sa voiture et aller voir soi-même.  

Ce ne sont que quelques exemples, mais au final, ces découvertes font parti de mes meilleurs souvenirs de la Nouvelle-Zélande à ce jour. 

C’est ainsi que je conçois le voyage à présent. Je préfère prendre le temps de découvrir un lieu plutôt que dix autres « incontournables » au pas de course, si le premier me plait vraiment. Je préfère me perdre dans les endroits où peu de personnes vont, juste parce qu’en regardant la carte je me dis « Tiens, ça doit être sympa par là ». Je ne tiens plus à visiter à tout prix tel endroit, juste parce que selon des centaines de personnes, il le faut absolument. Je laisse derrière moi cette pratique, et me plonge dans une nouvelle philosophie du voyage.

Ce que je dis dans cet article, je le dis sans prétention. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de voyager, chacun le fait à la manière qui lui convient. Je ne juge pas les autres touristes, parfois ils n’ont pas le temps, alors ils préfèrent en voir le plus possible, ça se comprend et ça se justifie parfaitement. J’ai juste découvert que cette méthode ne me convenait plus, et je n’impose à personne de penser comme moi. Ce n’est pas toujours facile de trouver son équilibre en voyage. Parfois on rêve tellement de faire un voyage qu’une fois sur place, on est un peu déçu, car ce n’est pas aussi bien que ce qu’on avait imaginé en passant des semaines à le préparer. Le rêve du voyage est quelque fois plus délicieux que le voyage lui même… Trouver cette équilibre, sa propre façon de concevoir le voyage, demande du temps. Parce que voyager, c’est aussi apprendre à se connaître.

 

Traitant du même sujet, mais sur un ton beaucoup plus direct, j'ai beaucoup aimé cet article de Toothbrush Nomads

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B
Oh oui! voyager hors saison et prendre le temps deux facons de profiter plus du voyage :)<br /> Quand je vois les australiens et Neo-zelandais visiter 6 pays en 15 jours ca me laisse perplexe :(
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C
Jai beaucoup aimer ton article car je my retrouve aussi. Cependant il y a des incontournables que tu peux voir sans trop de monde, hors saison cest super.<br /> Jai fais le tongariro circuit northen en avril et sur les deux jours de marche on a pas vu grand monde, la photo des lacs est vide de personne... bref tout ca pour dire que hors saison tu peux profiter aisement des incontournables sans trop de monde. Meme si je suis daccord avec toi que les must do sont pas forcement les meilleurs souvenirs, mais plus les choses improbables et inattendues. Enjoy !
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A
Salut Charline, en effet c'est une bonne solution de faire du hors saison, d'autant qu'en NZ ça marche plutôt bien, car y'a largement moins de monde en plein hiver! Je rêve de faire le Tongariro en hierv, ça doit être magique...
C
Très belle réflexion... Et les meilleurs souvenirs sont la plupart du temps là où l’on ne les attends pas !<br /> Même si parfois il est difficile de « visiter » un pays sans aller jeter un oeil à ses incontournables.
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F
Bonjour, cela fait 7 ans que l'on prépare un voyage de 2 ans en famille ... J'espère ne pas être trop déçue ;-) Je suis assez d'accord avec toi, le lieu devient magique que si qqch de magique s'y passe. Nous avions été à East Cape dans l'île du nord de la NZ et avions été invités à souper à 18h du soir avec des maoris, je m'en souviens comme si c'était hier ... Une suite de circonstances improbables ... Pour moi, c'est cela le voyage. Maintenant, sur 2 ans, on sera certainement déçus parfois, c'est sûr ! Mais ce ne sera rien à côté des joies et découvertes de tous les jours ...
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A
Françoise je te souhaite un merveilleux voyage avec ta famille, je suis sûre que vous ne serez pas déçus, l'essentiel étant d'aller vers les endroits qui nous attirer personnellement et non pas uniquement vers ces lieux "formatés" pour l'industrie touristique :) Bonne continuation!
N
Très sympa cet article , tellement agréable à lire et découvrir ce moment qui a tout fait basculé ! Moi c'était plutôt un point de rupture " different " ! J'habitais en République tchèque depuis un moment , et un jour , j'ai entendu un énième touriste français. Je ne me sentais plus comme touriste dans cette ville. Ca m'a exaspéré ! Et non ce n'était pas méchant de ma part mais d'un coup d'un seul j'en ai eu marre de cette horde de touristes
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A
Merci Noemi pour ce commentaire, je comprends tout à fait ton expérience en République Tchèque et ce sentiment lorsqu'on passe de visiteur à habitant d'un pays étranger :) Bonne continuation dans tes voyages!